Troubles dans le réel – Les a-mensonges d’Eric Kaiser

Au premier abord, les deux parties de la série représentent un monde réel, une structure de jeu pour enfant comme une peinture d’architecture centrée dans un paysage, et un portrait.

A y regarder de plus près, l’ombre de l’objet architectural n’est pas réelle. Elle continue l’objet, de manière autonome mais tout de même reliée à lui. Cette ombre faussée nous interroge sur l’existence de la structure, sur son appartenance au monde réel, tout comme le vide créé par l’absence de vie. L’«inquiétante étrangeté» («das Unheimliche» de Freud) est cependant compensée par le jeu de la couleur, qui permet au regardeur d’être confronté à une peinture, d’un monde irréel, qui vit, qui vibre.

On retrouve dans la série de portraits, posée en diptyque avec la structure Kletterhaus, l’interrogation sur l’identité. A l’ombre tordue répond ici un masque, une sorte de miroir inversé, représentant comme un souvenir, une réflexion, mais qui fait apparaître en fait des mentors, des maîtres à penser, des «maîtres à peindre» (Jean Genet, Yves Navarre, Didier Eribon, Edouard Louis, Michaël Borremans, Neo Rauch). Le peintre dans son autoportrait augmenté d’un deuxième portrait s’interroge sur sa propre identité d’artiste, sur ses influences intellectuelles et esthétiques.
Le regardeur est amené à se poser la question sur ce que signifient les ombres, les reflets, les masques et les miroirs qui prolongent notre réalité et qui constituent notre identité. Le prolongement du monde réel dans les deux parties trouble les pistes et nous provoquent dans nos perceptions.

Renaud Lallement
Linguiste, plasticien