« transpositions »
Derrière ce titre emprunté à une phrase de Marcel Duchamps se sont succédées pour la présente série des intentions reposant sur les concepts de « variation », de « transposition » ou de « déplacement ». C’est avec ces concepts que se sont développées les différentes étapes de la série. Il s’agit de proposer des versions/variations de tableaux emblématiques de l’histoire de l’art en substituant aux personnages représentés des objets du quotidien.
Les personnages représentés, qui sont les sujets, deviennent, dans cette action de déplacement, des objets. Dans un sens il y a réification. Mais dans l’autre sens, les objets deviennent à leur tour sujets.
En miroir de la réification s’opère une subjectivation de l’objet, une sorte de sublimation même, quand il s’agit de tableaux religieux par exemple. Ce jeu double du déplacement rappelle le mouvement de la balançoire-bascule, où chacun des deux pôles peut changer de position à tout moment, entre le haut et le bas. Il nous entraîne, si on y regarde bien, vers une mise en abîme métaphysique.
Les objets du quotidien, dans leur banalité et leur médiocrité, ont la singulière capacité d’apparaître sans cesse différents par rapport à l’ennui provoqué par un beau paysage, dixit l’artiste japonais Hiroshige cité régulièrement par le peintre allemand Peter Dreher (1932-2020). Là où P. Dreyer a choisi le simple verre d’eau peint sur fond neutre tout au long de sa carrière, je convoque des objets du quotidien hétéroclites dans des mises en situation diverses et incongrues.
Face à la mise en scène de ces objets, la mémoire du regardeur est exposée à un « déjà-vu » qui l’amène à voir différemment quelque chose de connu. Le « regarder voir » de Duchamps prend alors son sens dans l’expérience du visiteur. Duchamps, dont le double féminin Rrose Selavy grattait les frontières du genre, se serait amusé du trouble dans le genre pictural que propose la série. Le déplacement des chefs d’œuvres appartenant à la peinture religieuse, historique, naturaliste ou moderne vers une peinture plus humble comme celle de la nature morte opère une forme de transgression des genres, un mélange des genres.
En se prêtant à ce jeu de déplacement, les objets du quotidien rejoignent les icônes warholiennes, à l’instar des soupes Campbell. Ils ont accès ainsi dans leur nouvel écrin à un autre statut, de célébrité, de sacralité.
En dérangeant ces chefs d’œuvres et en dégenrant leur statut, cette série décomplexée ravira le connaisseur et fera sourire le candide.
“transpositions
Behind this title, borrowed from a phrase by Marcel Duchamps, the intentions behind the present series are based on the concepts of “variation”, “transposition” and “displacement”. It is with these concepts that the different stages of the series have been developed. The idea is to propose versions/variations of emblematic paintings from the history of art, substituting everyday objects for the characters depicted.
The characters depicted, who are the subjects, become objects in this action of displacement. In one sense, there is reification. But in the other direction, the objects in turn become subjects.
In the mirror image of reification, the object is subjectivized, even sublimated, in the case of religious paintings, for example. This double game of displacement is reminiscent of the seesaw, where each of the two poles can change position at any moment, between up and down. If we look closely, it leads us into a metaphysical abyss.
Everyday objects, in their banality and mediocrity, have the singular ability to appear constantly different from the boredom provoked by a beautiful landscape, dixit the Japanese artist Hiroshige regularly quoted by the German painter Peter Dreher (1932-2020). Where P. Dreyer chose the simple glass of water painted on a neutral background throughout his career, I conjure up heterogeneous everyday objects in a variety of incongruous settings.
Faced with the staging of these objects, the viewer’s memory is exposed to a “déjà-vu” that leads him or her to see something known differently. Duchamps’ “regarder voir” takes on its full meaning in the visitor’s experience. Duchamps, whose female double Rrose Selavy scratched at the boundaries of gender, would have been amused by the disruption to the pictorial genre proposed by the series. The displacement of masterpieces belonging to religious, historical, naturalist or modern painting towards a more humble form of painting, such as that of the still life, operates a form of genre transgression, a mixture of genres.
Lending themselves to this game of displacement, everyday objects join Warholian icons, like Campbell’s soups. In their new setting, they acquire a new status of celebrity and sacredness.
By disturbing these masterpieces and disenfranchising their status, this uncomplicated series will delight the connoisseur and make the candid smile.
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
Transpositions
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